Abstracts > Le care pris en compte par les collectivitésWorkshop n°1 - Le care pris en compte par les collectivités Discussant : Julien Martine | Université de Paris - CRCAO - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Innovation driven by “care”: the case of care for the elderly in Japan #Mots-Clés : care, innovation, Japon, vieillissement, seniors, robotique L'accroissement de la longévité humaine et le vieillissement de la population constituent un défi majeur pour nos sociétés (Guillemard & Moscova, 2017). L'un des enjeux essentiels concerne les soins pour les personnes âgées, qui font face à une perte d'autonomie et des formes de vulnérabilité. Cette question est devenue un domaine privilégié pour l'application de technologies. A ce titre, le Japon est souvent cité comme exemple avec le recours à la robotique personnelle dans les établissements spécialisés ou à domicile, qui semble mieux acceptée qu'ailleurs (Kodate et al., 2020). De façon générale, il convient de reconnaître l'apport possible de plusieurs technologies (notamment la robotique, l'intelligence artificielle, les technologies de l'information et de la communication [TIC]) permettant de résoudre en partie les problèmes d'autonomie et de vulnérabilité, que cela concerne la communication, la mobilité ou les capacités cognitives. Si cet apport est une réponse possible aux problèmes liés à la perte d'autonomie, il est marqué également par certaines limites, qui ont été bien identifiées, par exemple, par des anthropologues qui ont analysé le recours aux robots dans les EHPAD japonais (Wright, 2019). Notre hypothèse est qu'il ne s'agit pas là d'un problème ponctuel, mais bien d'une impasse fondamentale liée à la façon dont sont articulés les besoins sociaux et les réponses technologiques, en lien avec le paradigme dominant de l'innovation, qui met en avant l'idée que tout problème sociétal a des solutions technologiques. À l'inverse, notre proposition est qu'il est urgent de reconnecter les dynamiques sociales et technologiques, en proposant un concept et des pratiques d'innovation, qui font du bien-être (et non pas de la compétitivité) le critère ultime de l'innovation (Lechevalier, 2019). Il s'agit de mettre le concept de care (Molinier et al., 2009 ; Damamme et al., 2017) au cœur de l'analyse, ce qui doit nous permettre de refonder le concept d'autonomie des individus sans opposer technologie et bien-être. Dans la littérature existante, l'analyse des innovations technologiques dans le domaine des soins aux personnes âgées a fait des progrès importants ces dernières années en essayant de mieux intégrer le point de vue des usager.ère.s, qu'ils soient aidant.e.s ou aidé.e.s (Kodate et al., 2020 ; Obayashi et al., 2020). Cependant, force est de constater que cette prise en compte est encore imparfaite, notamment du point de vue de l'analyse du bien-être, et qu'elle est encore très marquée par la perspective de l'acceptabilité de certaines technologies (Wright, 2020). De leur côté, malgré de rares exceptions (Morey, 2020 ; Allouche et al., 2015), les approches centrées sur le care ont tendance à mettre l'humain au cœur de l'analyse, en mettant de côté ce qui relève de la technologie. Notre objectif est de combler le fossé entre ces deux approches en proposant un concept d'innovation tiré par le care et en nous concentrant sur les relations entre humains et machines. Les approches du care permettent également de mieux prendre en compte les questions liées au genre ou aux migrations, ce qui est d'autant plus important que la mobilisation de la robotique personnelle au Japon est présentée comme un moyen de limiter le recours aux migrations (Hirata, 2011). Sébastien Lechevalier is an Economist and a Professor at EHESS (School of Advanced Studies in the Social Sciences, Paris), specialised in Japanese economy and Asian Capitalisms. He is also founder and president of the Fondation France-Japon de l’EHESS (FFJ). Trained as a labor economist, he has extensively published on various dimensions of the Japanese economy, in comparative perspective, including: “Lessons from the Japanese experience. Towards an alternative economic policy?”, ENS Editions 2016). His book, The Great Transformation of Japanese Capitalism (Routledge, 2014) was published in three languages and has been cited as one of the most influential ones on the Japanese economy published during the last decade. Other research interests include innovation (Innovation beyond technology, Springer, 2019), industrial policies (“Financialization and industrial policies in Japan and Korea: Evolving complementarities and loss of state capabilities” in Structural Change and Economic Dynamics, 2019, Vol. 48), and inequalities & redistribution (“Decomposing Preference for Redistribution. Beyond the Trans-Atlantic Perspective”, forthcoming). For more than a decade, he is involved in SASE, as a participant and an organizer. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - From family solidarity to social welfare: the challenge of modern China #Mots-Clés : famille, solidarité, soin, sécurité sociale, Chine, tradition, modernité La société traditionnelle chinoise est fondée sur la famille et les liens sociaux se construisent et évoluent autour d'elle. Confucius et ses disciples ont largement contribué à la sanctuarisation de la famille et à lui donner une nouvelle dimension. Font partie de la même famille les personnes ayant des liens de parenté jusqu'au cinquième degré. A ce titre, elles sont tenues mutuellement de l'obligation d'entretien. Au-delà du cercle, l'obligation légale disparaît mais la solidarité morale demeure. Le cercle familial élargi à des personnes ayant une parenté lointaine voire indéterminable a donné lieu à un autre concept, celui de « concitoyenneté » (tongxiang) qui inclue tous ceux qui sont originaires d'une même zone géographique (par ex. la sous-préfecture). En un mot, la personne qui fait l'objet d'attention est avant tout un proche, une connaissance. La solidarité familiale est donc très différente de la sécurité sociale mise en place depuis 1986 et devant être fondée sur la solidarité nationale. Mais le nouveau système n'est pas vraiment national : chaque province ou municipalité a sa propre sécurité sociale. On observe une forte résistance de la part des autorités locales, des agents économiques mais aussi, plus étonnamment, de la part des salariés. En même temps, la fusion entre les régimes citadin et rural n'est pas à l'ordre du jour. La réticence à l'égard du nouveau système n'a pas favorisé la renaissance de la solidarité familiale. Car la société chinoise a bien changé depuis quelques décennies. La famille traditionnelle a disparu, notamment dans les villes, au profit des foyers composés des deux parents et des enfants (ou de l'enfant). La solidarité entre les foyers (même ayant une parenté très proche) tend à se relâcher. Ce propos doit néanmoins être nuancé pour les ruraux. A la campagne, la solidarité est maintenue : les migrants ruraux s'entraident pour trouver plus facilement du travail en ville ; les jeunes confient à la famille leurs enfants. La Chine est multiple, à la fois traditionnelle et moderne. Comment concilier les valeurs traditionnelles et les nouvelles idées. Voilà le défi que la Chine doit relever. Zhuang HAN, docteur en droit, spécialiste du droit social chinois et de la culture juridique de la Chine ancienne, chercheur associé à l’Institut d’Asie orientale, chargée d’enseignement à SciencePo Lyon, à l’Université de Paris-sud. Auteur de De l’autonomie des entreprises d’Etat en droit chinois, Ed. L’Harmattan, 2003 ; du Droit chinois des affaires, Dalloz, 2013, du Droit social chinois, Ed. Purj, 2020. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - The Chinese approach to the Responsibility to Protect (R2P) : between international care and concern for state sovereignty #Mots-Clés : care, soin, aide, normes, morale, inégalités, Asie Si la notion du care a su se développer dans les écrits philosophiques et psychologiques, elle est aussi – à certains égards – une notion juridique. Se définissant en droit comme l’obligation d’agir avec la vigilance « qu'une personne raisonnable exercerait dans les mêmes circonstances » (Dictionnaire juridique de Farlex), cette expression du care se retrouve dans la formulation anglo-saxonne du duty of care – ce devoir d’être diligent, de prendre soin d’une personne, au risque d’être condamné pour négligence. Entendu donc comme une obligation de moyen, un devoir de prévention, cette notion de duty of care se diffuse depuis une trentaine d’années, au point de retrouver ce principe – ou d’autres avec de fortes similitudes – à la fois dans le droit continental et dans les écrits des organisations et juridictions internationales. Cela semble-t-il assez pour proclamer aujourd’hui l’existence d’un care international ? La doctrine de la responsabilité de protéger (R2P), proclamée en 2005 par la communauté internationale sous l’égide des Nations Unies, semble effectivement aller en ce sens. Cette pensée moralisatrice tend à venir écarter un possible droit d’intervention armée discrétionnaire au profit d’une véritable responsabilité, pour l’ensemble des Etats de la communauté internationale, de prévenir et d’intervenir sur le territoire d’un Etat vulnérable, lorsque ce dernier se trouve dans l’impossibilité manifeste de protéger sa population d’un crime de masse. La République Populaire de Chine a activement participé aux débats sur l’institutionnalisation et le développement de la doctrine de la responsabilité de protéger, et s’est trouvée signataire du document du Sommet Mondial de 2005. Pourtant depuis lors, et notamment dans le cadre d’une application effective de ce principe, la Chine s’efforce de venir réitérer une approche stricte de la notion. A partir de 2012, elle se positionne dans une approche proactive appelant à réinterpréter le concept de la responsabilité de protéger, pour lui en préférer un nouveau : celui de la protection responsable. Ainsi, l’enjeu de cette communication sera de venir questionner l’existence d’un care international (entendu au sens strict, « entre nations ») et d’analyser les réactions du gouvernement chinois à l’encontre d’un phénomène qui pourrait remettre en cause son discours souverainiste à l’égard du droit international. En étudiant les prises de position chinoises dans le cadre du système des Nations Unies, nos propos viseront ainsi à venir déconstruire une politique chinoise qui pourrait, de prime abord, sembler fortement réticente à toute relativisation du principe de souveraineté, et qui pourtant s’inscrit dans une nouvelle démarche proactive intégrant une doctrine interventionniste au système juridique international traditionnel. Valentin MARTIN, doctorant en droit international et chargé d’enseignement en droit international et relations internationales à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris I, a rejoint le Bureau des Jeunes chercheur·e·s du GIS Asie début 2021. Juriste de formation, mais passionné par l’histoire chinoise, Valentin a intégré la formation Asie Orientale Contemporaine de l’ENS de Lyon en 2017 afin d’associer ses connaissances juridiques à une meilleure compréhension de la politique extérieure de la Chine. Ses deux mémoires de recherches, l’un consacré à la répercussion du projet des Nouvelles Routes de la Soie en Europe, et l’autre consacré à l’approche chinoise du droit international, ainsi que ses nombreuses mobilités et enquêtes de terrain en Chine, lui ont permis de maintenir une double casquette à la fois dans le domaine juridique et dans celui des sciences sociales. Sa thèse, intitulée La politique juridique extérieure de la Chine à l’égard des juridictions internationales, dirigée par le Professeur Paolo Palchetti, vise à redéfinir ce phénomène croissant de juridictionnalisation du droit international à la lumière d’une politique extérieure chinoise qui semble maintenir une approche traditionnelle largement dominée par une pratique consensuelle, et dont les répercussions s’établissent dans l’adhésion aux techniques de négociation et de médiation pour régir les différends internationaux. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Care considered by the multinationals: new challenges for the attractiveness of China #Mots-Clés : Chine, éthique, care, compliance, bienveillance, responsabilité sociale, morale, démarche vertueuse, attractivité, multinationales Les industries du textile implantées en Chine (Inditex,H&M,Nike...), sont au centre des critiques lancées par la coalition mondiale contre le travail forcé des Ouïgours, qui appelle les multinationales à mettre fin aux violations des droits humains détectées dans leur chaîne de production ainsi qu'à rendre cette dernière plus éthique. La prise en compte du care par les multinationales est donc un thème éminemment actuel qui représente de nouveaux défis pour l'attractivité de la Chine comme État hôte de ces entreprises. En droit, la notion de care fait écho à la matière juridique de la compliance. Cette dernière entend sensibiliser les parties prenantes de la vie économique au respect des droits humains et de l'environnement, en favorisant une approche par les risques visant à prévenir les atteintes à ces principes. La compliance incite donc les entreprises à entamer une démarche davantage bienveillante dans le déploiement de leurs activités, ce qui devrait les empêcher de délocaliser leur production dans des pays moins respectueux de ces principes et à terme, influencer les États dans le changement de leur politique. La compliance a pris ces dernières années une ampleur considérable, de nombreux États ayant imposé à leurs grands groupes l'obligation de responsabilité sociale (RSE) ou de devoir de vigilance (duty of care). Plus encore, certaines conventions internationales (Pacte mondial, Principes directeurs de l'OCDE, Conventions de l'OIT...) ouvrent directement la possibilité aux multinationales d'y adhérer et de les mettre en œuvre. Ainsi, par la création de politiques environnementales ou de codes de conduite éthique au sein même de leurs structures, les multinationales ont vocation à se transformer en motrices d'une organisation sociale plus morale. Les lois de la concurrence devraient en outre pousser les entreprises à s'influencer mutuellement dans cette démarche vertueuse, de manière à rendre le care, la compliance, nécessaires à leur survie économique ainsi qu'à l'attractivité de leurs États hôtes. Il conviendra donc d'observer de près la situation des multinationales en Chine afin d'évaluer les progrès obtenus grâce à la compliance et les efforts qui sont encore à fournir pour la mise en œuvre du care par ces entreprises. |
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